lundi 16 mars 2015

Collection Visages du Bourbonnais : Victor Cornil ou le triomphe du positivisme.


Victor Cornil naquit à Cusset, rue du Port, le 17 juin 1837. Son père, Félix Cornil, était médecin dans cette ville ainsi qu'aux thermes de Vichy. De tendance anticléricale, Félix Cornil fut également initié au sein de la loge maçonnique "La Fraternité des Peuples". Victor Cornil fut donc élevé au sein d'une famille gagnée aux idées républicaines. Le jeune Cornil commença ses études au collège de Cusset (1844-1851), puis les poursuivit à Clermont-Ferrand avant de monter à Paris où fit de brillantes études de médecine (1855-1864) durant lesquelles il se lia avec les Républicains et notamment avec Gambetta. Une première fois candidat à des législatives en mai 1869, Victor Cornil obtint 9489 voix face aux 15 212 de son adversaire conservateur Desmaroux de Gaulmin. Son républicanisme lui valut d'être nommé Préfet de l'Allier le 4 septembre 1870. Il démissionna de cette fonction à la fin du même mois pour se porter candidat aux élections législatives prévues au début de l'année suivante. Il échoua dans cette entreprise le 8 février 1871 n'obtenant que 31,194 voix contre 49,741  au conservateur M. de Montlaur. En 1874, le canton de Cusset l'envoya siéger au Conseil .général de l'Allier qu'il fut bientôt appelé à présider. Lors des élections législatives du 20 février 1876 Victor Cornil se présenta, comme candidat républicain modéré, dans l'arrondissement de la Palisse. Il fut élu par 9,194 voix contre MM. Desmaroux de Gaulmin, conservateur, 5,751 voix, et Gallay, républicain radical, 2,087 voix. Il s'inscrivit aux groupes de l'Union républicaine et de la gauche modérée et fit partie de la majorité des 363 qui lutta contre la politique conservatrice de Mac Mahon. Cornil fut réélu le 14 octobre 1877 par 11,884 voix.  et de nouveau le 21 août 1881, par 7,614 voix contre 4,516 à M. Préveraud, républicain radical. Sa carrière politique fut complétée en 1878 par son élection comme maire de la petite commune de Creuzier-Le-Neuf où il possédait une propriété. En 1882, Victor Cornil démissionna de son mandat à la suite de sa nomination comme professeur d'anatomie pathologique à la Faculté de médecine de Paris. Il se consacra pendant quelque temps exclusivement à ses nouvelles fonctions, et, le15 juillet 1884, il fut nommé membre de l'Académie de médecine. Sa production scientifique était déjà largement reconnue par ses pairs : outre sa thèse, Des différentes espèces de néphrite, (1869), M. Cornil publia : De la phtisies pulmonaire (1866); Du cancer et de ses caractères anatomiques (1867); Manuel d'histologie pathologique (1869-1872); Leçons professées pendant le premier trimestre de 1883-1884 (1884)... Le 6 janvier 1885, Victor Cornil rentra au Parlement comme sénateur de l'Allier, ayant été élu par 445 voix sur 836 votants. Cornil se rallia alors à la gauche sénatoriale. Réélu le 7 janvier 1894, au deuxième tour de scrutin, par 424 voix sur 838 votants,  il essuya en revanche un échec au renouvellement du 4 janvier 1903. Il ne recueillit au deuxième tour de scrutin que 225 voix sur 843 votants. Il faut dire qu'il avait été réélu en 1894 en trouvant des appuis dans les milieux de droite qu'il avait tant combattus par le passé. Cette volte-face lui valut les pires reproches des radicaux. L'évolution politique du département, de plus en plus dominé par les Radicaux, lui  fut fatale. En 1896, Victor Cornil abandonna son dernier mandat politique : celui de maire de Creuzier-le-Neuf. Notre homme poursuivit en revanche sa carrière scientifique et d'enseignant jusqu'en 1907.
Il mourut à Menton le 14 avril 1908 des suites d'une broncho-pneumonie à l'âge de 71 ans. Ses obsèques eurent lieu à Paris, en l'église Saint-Thomas-d'Aquin et son corps fut porté en terre au cimetière de Montmartre. Un monument fut élevé à sa mémoire, en 1910, à Cusset; un autre, en 1911, à la Faculté de médecine de Paris. 

S. HUG

samedi 7 mars 2015

1850 : échec de la tentative de création d'une loge maçonnique à Lapalisse

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Entre le début des années 1780 et la fin des années 1840, sept loges maçonniques furent créées en Bourbonnais (les deux plus anciennes furent la loge de l'Espérance de Moulins et la loge des Coeurs-Unis de Saint-Pourçain-sur-Sioule, puis apparurent trois autres loges moulinoises : la loge d'Isis, la loge Paix et Union et la loge de l'Humanité, enfin, en 1847, furent fondées les loges de l'Union de Cusset et de Commentry).
En 1850, Jean-Baptiste Lefaucheur (1817-1872), régisseur du château de La Palice, initié quelques mois plus tôt par la loge Paix et Union de Moulins tenta de créer une loge à La Palisse. Dès que le sous-préfet Rochefort eut vent de cette initiative, il s'empressa de souligner au Préfet de l'Allier :
"les démagogues pressent avec activité l'installation d'une loge maçonnique dans le chef-lieu de l'arrondissement et si le commissaire de police n'a pas le droit d'assister aux séances et d'y exercer une influence salutaire, la loge maçonnique de Lapalisse constituerait un vrai club d'après les éléments bien connus qui doivent la composer."
L'administration préfectorale fit pression sur Jean-Baptiste Lefaucheur qui, finalement, abandonna son idée.
Ce n'était d'ailleurs pas la première et dernière fois que la famille Lefaucheur avait maille à partir avec les représentants de l'ordre. Le frère aînée de Jean-Baptiste, Claude (1814-1883), fut durant toute sa vie un agitateur local surveillé de près par le pouvoir bourgeois. En décembre 1849, après signalement du Maire, Eugène Meilheurat, du juge de Paix, Mourier-Desgayets et du sous-préfet Rochefort, une enquête administrative envisagea très sérieusement le déplacement de sa mère, receveuse du bureau de poste de La Palisse, vers une autre ville. Au printemps 1852, Claude Lefaucheur fut condamné par la commission mixte de l'Allier (juridiction d'exception ayant pour but de mener à bien la repression contre la résistance républicaine au Coup d'Etat bonapartiste du 2 décembre 1851) à être "transporté" en Algérie, d'où il revint un an plus tard. En 1858, aux lendemains de l'attentat d'Orsini à Paris visant l'Empereur, une seconde grande vague sécuritaire s'abattit sur la France, Claude Lefaucheur fut une nouvelle fois arrêté et placé en résidence surveillée à La Pacaudière. Son activisme républicain ne s'éteignit pas pour autant. Finalement, à l'automne 1870, Claude Lefaucheur fut récompensé de trente années d'engagement en siégeant au sein de la première municipalité républicaine provisoire de La Palisse.

S. HUG